Le ministère de l’Education National abandonne l’appel d’offre pour l’acquisition d’un supercalculateur par le CINES, Centre Informatique National de l’Enseignement Supérieur. Cette décision est dramatique pour les chercheurs français qui ont compté sur cette extension des capacités du CINES, seule capable de leur garantir les moyens nécessaires permettant une compétitivité et une excellence dans le domaine du calcul scientifique.

Les moyens de calcul intensif pour la recherche publique sont actuellement distribués sur quatre centres : le CINES, l'IDRIS (Institut du Développement des Ressources en Informatique Scientifique, CNRS),  le CEA et le CC-IN2P3, parmi lesquels seuls le CINES et l'IDRIS sont réellement ouverts à l'ensemble de la communauté scientifique. Les deux centres ont des statuts différents  et des gestions distinctes, mais adoptent une approche coordonnée face à la communauté scientifique, grâce à des comités thématiques  communs [1] qui évaluent les demandes émanant des chercheurs français. Les deux centres disposent d’une timide puissance de calcul, ~ 2.16 Tf [2] (CINES) et ~ 6.8 Tf (IDRIS), alors que la qualité de la recherche française exige une puissance de calcul et une budgétisation pluriannuelle au moins comparable à celle de ses homologues européens. Nous en sommes malheureusement très loin [3].

Plusieurs rapports récents relatent la situation préoccupante actuelle [4]. Ces derniers stipulent clairement que les ressources dont bénéficie la communauté des chercheurs travaillant sur les simulations de pointe ne lui permettent pas (ou très peu) de faire jeu égal avec celles des pays les mieux placés. Le rattrapage nécessaire de ce retard permettant de garder une bonne visibilité internationale se chiffre à 80 Tf pour 2006, et double chaque année suivante.

L’appel d’offre lancé fin 2005 et dont le processus a suivi son cours normal a permis de sélectionner un supercalculateur d’une puissance crête de 30 Tf  (90 Tf dans sa deuxième tranche prévue fin 2008). Les  représentants de la communauté scientifique associés à ce processus de sélection ont exprimé la pertinence du choix technique et l’urgence de la mise en place d’une telle machine. Enfin, notre pays pourrait se replacer rapidement dans la compétition internationale. 

L’abandon de la procédure d’acquisition dans sa phase finale pénalise très fortement la communauté scientifique. De nombreux projets ambitieux, candidats à un financement par l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR) ou par la communauté européenne, prévoyaient l’accès à une telle machine – prévue en juillet 2006 – et se voient à présent fortement compromis. Nous anticipons, outre le désengagement de certains projets,  un découragement légitime des scientifiques oeuvrant dans ce pan de la recherche française, avec une dévalorisation des thèses en cours, une perte d’activité des futurs doctorants et des départs de chercheurs récemment recrutés vers des laboratoires mieux dotés à l’étranger. Cette décision a par ailleurs une conséquence majeure sur la compétitivité de certaines industries –  voir, par exemple, les travaux conduits par le CERFACS [5], et sur la crédibilité de la France dans certains axes de recherche comme l’évaluation des modèles climatiques.

La communauté des chercheurs calculant au CINES (au delà de 250 équipes de recherche) souligne sa satisfaction des services rendus par le CINES et la compétence de son personnel. Malheureusement, alors que les demandes des scientifiques en moyens de calcul ne cessent d’augmenter, on ne peut que regretter le déphasage significatif entre les besoins pressants, justifiés et nécessaires des chercheurs et l’action des décideurs. 

Nous appelons donc solennellement les responsables politiques et les organisations de tutelle à la prise en compte à sa juste mesure des besoins de cette communauté, et de considérer uniquement ses intérêts en accélérant la procédure de renouvellement des moyens du CINES.